A l’heure des comptes, le Sénégal a la tête dans le panier. Littéralement mangés par l’ogre américain hier (58-103), les Lions rentrent paumés de la campagne asiatique, au moment où l’Angola et le Nigeria continueront, au deuxième tour, de défendre les chances du Continent. Le Sénégal, seul africain recalé au premier tour de la présente 15e édition de la Coupe du monde de basket-ball, n’a fait qu’un tour de déshonneur à Sapporo. Où il a longtemps donné l’impression de se mouvoir au milieu de ses tourments et des terribles courants d’air du nord japonais. Juste 6 journées dans la relevée poule D et la coupe du Sénégal s’est révélée pleine de défaites. Cinq matches, cinq revers*. Et les Lions signent l’un de leur plus mauvais Mondial de l’Histoire. En Grèce (1998), lors de leur dernière apparition sur la scène mondiale, le Sénégal était au moins revenu au bercail avec la maigre consolation d’une victoire. Mais au Japon, entre tracas et fracas, Tapha Gaye, l’entraîneur national, et ses hommes sont passés à côté d’un sujet pourtant à leur portée, vu les prestations collectives et les chiffres (moyenne de 71 pts par match)**.
Alors, au moment de poser un premier regard dans le rétroviseur d’une campagne désastreuse, l’amateurisme et une préparation, qui affleure un sabotage ourdi en haut lieu, s’avèrent être le lit de la désillusion de Sapporo. Du limogeage de Abdourahmane Ndiaye «Adidas 1», l’ex-sélectionneur national, aux mauvaises conditions de préparation, la «tanière» avait comme programmé son échec… De cauchemar en cauchemar, voici le film d’épouvante du Mondial sénégalais.
ACTE 1 : Limogeage de «Adidas»
Le «coup» est venu de nulle part. A quelques jours du début de la préparation, Daouda Faye, le ministre des Sports, limoge sans sommation Abdourahmane Ndiaye «Adidas». L’ancien coach des Lions, qui avait pourtant qualifié le Sénégal pour le Japon grâce à sa place de vice-champion d’Afrique à Alger 2005, s’est vu coller un curieux motif : «Abandon de poste.» Dans la «tanière», la nouvelle envoie un à un les Lions s’effondrer. Leur «coach de confiance», l’homme qui a été à la base du renouveau de la sélection masculine, a été interdit de dessert, du grand rendez-vous mondial pour lequel il a déployé beaucoup d’énergie. Dépité, Desagana Diop (Dallas Mar-vericks), seul joueur Nba disponible après les blessures de Boniface Ndong et Pape Sow, se déclare automatiquement forfait. L’immense intérieur ne fera pas des émules. Mais coach Tapha Gaye, qui a accepté la délicate succession de son ancien supérieur, aura du mal à concerner une sélection démobilisée. Qui n’a jamais su pardonner l’éviction de l’entraîneur avec qui elle avait pris le pari de toiser les «Grands» du monde.
ACTE 2 : Mauvaises conditions de préparation
C’est à Dijon, en France, que les Lions ont commencé leur marche vers le Japon, qui se révélera un interminable chemin de croix. Logés par l’Agence «France Sport» dans un centre d’accueil pour adolescents, Babou Cissé et ses partenaires se retrouvent dans un camp de regroupement qui ne répond à aucune norme de haut niveau. La salle de basket n’est pas bonne et les chambres ressemblent à des «fours crématoires». Sans climatisation, les Lions étouffent dans la canicule, avant de s’évader à Strasbourg, théâtre de leur premier tournoi de préparation.
Après le tournoi alsacien, mené cahin-caha (2 défaites, 1 victoire), Tapha Gaye et ses hommes déménagent à Evreux. Ils pensent être au bout de leur pénitence. Mais brusquement survient la lancinante problématique des perdiem qui donnera sur un bras de fer sélection-Fédération dont personne ne sortira vainqueur. Et c’est dans cette ambiance délétère que les Lions s’embarquent pour le tournoi de Lituanie qu’ils traversent sans succès.
Après une menace de boycott du tournoi d’Abidjan, finalement annulé, une revendication, jamais satisfaite, de faire un tour à Dakar avant prendre l’avion pour le Japon et le renvoi (pour indiscipline ?) de Pape Demba Mbengue, un calme précaire revient enfin dans la «tanière» à quelques heures de la publication de la liste des douze pour Sapporo. Charles Dieng et Cheikh Thioune restent à quai, mais le Sénégal s’envole pour l’Asie sans certitudes collectives. Car des 10 matches annoncés en guise de préparation, les Lions n’auront, au finish, que 6 dans les… mains. D’où le manque de compétitivité et les errances avouées en Asie dans les quart-temps déterminants (1er et dernier quart-temps).
ACTE 3 : Un Mondial décevant
Malgré une préparation biaisée et un collectif brinquebalant, Babou Cissé et ses coéquipiers débarquent en terre japonaise sans rien renier de leurs ambitions de départ : s’offrir une prestation digne afin de préparer au mieux la Can 2007 à Luanda (Angola). Un objectif dans l’entre-deux qui était de réduire la pression sur l’équipe et qui va se révéler comme une parade pour des Lions, en panne de confiance, en mal de compétitivité.
Très vite, presque le temps du premier week-end de compétition (Sénégal-Slovénie et Sénégal-Porto-Rico), le révélateur de Sapporo déroule la vérité cruelle qui accompagne la sélection sénégalaise : son manque d’ambition dans ce Mondial, pour une «nation de basket», sied à merveille au niveau réel de l’équipe. Faible de caractère, inconstant, irrégulier, le Sénégal n’a jamais fait un match plein et s’est souvent résolu à ne tenir que 20 mn, l’équivalent d’une mi-temps.
Sans jamais être probants, sans jamais être ridicules aussi, si l’on occulte l’attendue rouste (58-103) infligée hier par l’inaccessible Amérique, dont l’entraîneur, Mike Kryzewski, s’était volontairement privé de son bras armé, Dwyane Wade, les Lions ont étalé, en cinq sorties, leurs insuffisances au plan mondial et mis à nu les inaptitudes de leur entraîneur, Tapha Gaye, au plus haut niveau. Car, susurre-t-on dans le milieu de la balle orange, «le dernier quart-temps, c’est l’affaire du coach». Et c’est dans ce money-time que le Sénégal s’est souvent fourvoyé au Japon.
D’où le terrible abattement des joueurs, plus que dépités, qui s’en prennent sans gants à la fédération pour son amateurisme et au ministère de tutelle pour la préparation bâclée. Car pour Makhtar Ndiaye et compagnie, il est temps d’apprendre de ces échecs répétés pour un avenir meilleur dans le gotha mondial. D’où les recommandations de Sitapha Savané qui préfacent le grand déballage promis par les Lions : «Nous ne pouvions pas aller à une précieuse compétition en perdant un précieux temps dans des choses stupides, au lieu de nous concentrer dans notre basket. Au retour, il y a beaucoup que la fédération doit changer au niveau de la préparation de ce types d’évènement.» A méditer !
En attendant, les Lions sont attendus à Dakar, dimanche prochain. Et au moment de se pencher sur le bilan de Japon 2006, les manquements de l’inféconde campagne des garçons devraient servir de leçons aux Lionnes qui s’apprêtent à rejoindre Sao Paulo (Brésil) pour le Mondial féminin, prévu du 12 au 23 septembre.
* Sénégal-Slovénie : 79-96 ; Sénégal-Porto Rico : 79-88 ; Sénégal-Italie : 56-64, Chine-Sénégal :100-83 : Etats-unis-Sénégal : 103-58
** Avec 355 pts cumulés, le Sénégal devance la France (353 pts), pourtant admise au second tour.
Résultats de la dernière journée
Poule A : Serbie et Monténégo-Argentine : 79-83 ; France-Venezuela : 81-61, Liban-Nigeria : 72-95. Poule B : Angola-Allemagne : 103-108, Japon-Espagne : 104 –55, Nouvelle Zélande-Panama :86-75. Poule C : Australie-Qatar :93-46, Lituanie-Brésil : 79-74 ; Grèce-Turquie : 76-69. Poule D : Slovénie-Chine :77-78, Italie-Porto Rico :73-72, Etats-Unis-Sénégal : 103-58
Programme des 1/8 de finales
Samedi : 1h Gmt : Argentine-Nouvelle-Zélande, 3h : Turquie-Slovénie, 8h : Espagne-Serbie. 11h : Italie-Lituanie
Dimanche : 1h Gmt : Grèce-Chine, 4h : Etats-Unis-Australie, 8h : France-Angola 11h : Allemagne-Nigeria
Campeones ! L'ESPAGNE CHAMPIONNE DU MONDE
